lundi 1 octobre 2012

Artistes et entreprises


Cette recension est parue dans le n°40 (automne 2012) de la revue Critique d'art (www.archivesdelacritiquedart.org).


Publication des actes du colloque à la Saline Royale d’Arc-et-Senans en mars 2010 (qui fait lui-même suite au colloque L’Art est l’entreprise, organisé par Art&Flux en 2006), cet ouvrage conséquent se distingue tant par le nombre et la qualité de ses contributeurs (parmi lesquels se croisent historiens de l’art, philosophes, artistes) que par les enjeux esthétiques qu’il se donne pour ambition d’exposer et d’explorer. Plusieurs textes structurant (Yann Toma : « La Notion de critique artiste comme moteur d’un nouveau contexte de la création », Laurent Devèze : « Du Rêve prolétaire à l’ambition entrepreneuriale ? », Rose Marie Barrientos : « Les Entreprises artistes en perspective ») définissent la terminologie, le cadre historique et conceptuel et élaborent une proposition de typologie des « entreprises artistes ». Essentielle, la contribution de L. Devèze analyse le changement de paradigme survenu dans le choix d’une figure d’identification de l’artiste : du travailleur prolétarien et révolutionnaire pour l’artiste d’avant-garde au début du XXe siècle, à l’entrepreneur -manager libéral à partir des années 1960-70, dans un contexte de marchandisation croissante de l’art. Les exemples présentés, ainsi que les témoignages et contributions d’artistes (Renaud Layrac : « BP/Un emblème comme attitude », Raphaëlle Bidault-Waddington « Témoignage : Stratégie d’une "self-made artist" », Benjamin Sabatier (« Be it yourself ! », etc.), abordent différents types d’entreprises artistes et leurs modalités de fonctionnement : de l’entreprise « réelle » comme That’s Painting Productions de Bernard Brunon à la dimension fictionnelle de Ouest-Lumière (Y. Toma) ou de Société Réaliste. Quelle que soit leur nature, les entreprises artistes s’inscrivent dans le champ du « réel » et de son économie. Elles sont la « réalisation en actes et en œuvres d’une pensée critique » où le risque pour l’artiste est de devenir un simple auxiliaire du système capitaliste qu’il dénonce. « À partir de quand ce que je prétends dénoncer m’annexe tout à fait ? » est en effet la question en filigrane de plusieurs contributions d'artistes « entrepreneurs » bien conscients de jouer un jeu dangereux avec « la bête ».
La brève conclusion relève la nécessité d’approfondir l’étude de la dimension politique de l’entreprise artiste. En attendant cette suite bienvenue des travaux d’Art&Flux, les propos ici réunis (enrichis d’une bibliographie fournie, ainsi que d’une affiche récapitulant l’inventaire des entreprises artistes depuis le « prototype » de N.E. Things Co créée par Iain Baxter en 1964) constituent une publication indispensable pour penser les enjeux actuels des entreprises artistes.

Artistes et entreprises
Sous la direction de Yann Tomas, Stéphanie Jamet-Chavigny, Laurent Devèze, revue D’Ailleurs, n°3, co-édition ERBA (Besançon) / Art & Flux (CERAP-Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, 2012 (Français, Anglais, 212 pages, illustrations en couleurs, affiche pliée insérée)
Contributions de : Yann Toma, Laurent Devèze, Stéphanie Jamet-Chavigny, Rose Marie Barrientos, Raphaël Cuir, Marc Partouche, Maria Bonnafous-Boucher, Aurélie Herbet, Renaud Layrac, Stefan Haefliger, Katrin Kolo, Rapahëlle Bidault-Waddington, Antoine Lefebvre, Michel Verjux, Jacinto Lageira, Philippe Mairesse, Pascal Bausse, Benjamin Sabatier, Dida Zende.

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