dimanche 12 septembre 2010

Viviane Zenner, EAUX

(texte écrit à l'occasion de l'exposition Voyage au-dessus des mondes, à la Maison des arts de Farebersviller, du 27 septembre au 4 octobre)


A la source de l’acte photographique, il y a une opération de saisie dans la continuité du visible — opération où la découpe du cadre fixe la limite de ce qui est à voir et contribue à en construire le sens.
Dans les photographies de la série Eaux, c’est pourtant moins le bord de l’image que la surface elle-même qui tient ce rôle de limite — mais une surface, et une limite donc, d’une ambivalence telle qu’elle ouvre l’espace plus qu’elle ne le clôture. Un espace autre — un temps autre.
Redoublant celle de l’image, la surface de l’eau matérialise la zone de netteté d’une profondeur de champ volontairement restreinte, concentre le regard sur ce qui s’y tient de manière incertaine — ce que l’œil parvient à voir, au-delà de laquelle tout se trouble. C’est l’extrémité du volume d’eau qui se trouve là, dessous ; celle aussi du volume d’air qui vient à son contact, y produit parfois plissements et irisations. Les signes épars et muets des herbes nues rencontrant leur reflet viennent fissurer la surface. L’espace s’engendre là — où l’illusion confère à la chose sa réalité.
Viviane Zenner photographie autant la surface de l’eau, les gris laiteux et les couleurs incertaines que la lumière y produit, que l’épaisseur de l’air, qui ne l’en sépare pas mais maintient un contact fluide entre elle et son sujet. Cette relation sensuelle avec les éléments, elle l’exprime notamment lorsque, précisant les raisons du format choisi pour ces images, elle préfère parler de leur « envergure » — signifiant par là le mouvement d’un regard plongeant, comme à bras ouverts, abolissant la distance scopique pour toucher plus intimement, engager le corps dans l’image.
« Embrasser » du regard, n’est-ce pas, justement, dire la part tactile de la vision ?

http://www.vivianezenner.com/
Voyage au-dessus des mondes, Photographies de Viviane Zenner, texte d'Alain Coulange, ENd éditions, 2010.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire