Cette recension est parue dans le n°40 (automne 2012) de la revue Critique d'art (www.archivesdelacritiquedart.org).
Le paysage
est traditionnellement envisagé en Occident comme « une portion d’espace
appréhendée à distance, selon un point de vue unique ». C’est à partir de,
et contre cette définition, que les universitaires, chercheurs et artistes
réunis dans cette publication abordent la notion de paysage, et repensent la
question du pittoresque à l’aune de la dimension temporelle des paysages. Ces
derniers sont en effet envisagés à travers les changements qui les affectent,
qu’ils soient naturels ou consécutifs aux activités humaines :
agriculture, industrie, transports, guerre… L’ouvrage est subdivisé en trois
parties. La première, « Exercices du regard » réunit pour l’essentiel
des analyses (Hélène Saule Sorbé, « Du paysage à sa mise en
œuvre » ; Paul Vancassel, « L’exposition « New
Topographics » et Lewis Baltz » ; Thierry Girard, « De
l’observation des paysages » ; Danièle Méaux et Benoît Grimbert,
« Le palimpseste du tissu urbain »…) montrant que le médium
photographique privilégié dans l’approche des paysages en voie de mutation pour
sa valeur de constat documentaire, n’intervient pas seulement dans
l’après-coup, mais peut également être un outil de réflexion et de prospection
en amont de ces changements. Dans la seconde partie « Transformation des
territoires », il est question de l’évolution des périphéries urbaines et
des pratiques analytiques et artistiques qui en ont fait leur terrain
d’investigation, à l’instar des photographes Edith Roux et Jürgen Nefzger
(Danièle Méaux, « A la frange des villes »), du groupe Stalker
(Laurent Buffet, « Le groupe Stalker dans les Territoires actuels »).
Stéphanie Smalbeen s’intéresse à la « cassure » dans le paysage telle
qu’elle apparaît dans les photographies des cicatrices du paysage de Sophie
Riestelhueber (« Le devenir pittoresque du paysage »), tandis que
Laurence Corbel revisite les « ruines à l’envers » des paysages
suburbains entropiques et sans avenir parcourus par Robert Smithson, analysant
leur contraste avec la lenteur et l’hétérogène géologiques (« L’œil
pittoresque de Robert Smithson : une approche dialectique du paysage
américain »). La dernière partie, « Mobilités », déplace le
regard du paysage vers le corps percevant et mobile. Le peintre Corot est, pour
Emmanuel Pernoud (« Corot, le paysage au présent »), le premier à
aborder les paysages de ruines en les éclairant non de la lumière de
l’Histoire, mais de celle de l’instant de leur saisie, tout en se laissant
distraire par les « à-côtés » des sites répertoriés. Avec cette
figure du peintre voyageur apparaît celle du spectateur physiquement en
mouvement à l’intérieur du paysage. Les cinéastes (Alexandre Sokourov, Chantal Akerman,
Johan van der Keuken) en fournissent évidemment des exemples contemporains
(Jean-François Py, « Une certaine distance » ; Philippe Fauvel,
« Paysage, royaume des fins »). Fabienne Costa (« Des
morts-vivants dans le Morvan ») montre comment, dans le film L’Arrière-pays de Safia Benhaïm, le paysage ne
peut se constituer qu’au travers de la présence d’un corps exilé qui tente de
l’habiter. A sa suite, Bernard Rémy (« Chemin de danse : La Plainte
de l’impératrice »)
analyse l’unique film réalisé par la chorégraphe Pina Bausch. Associant deux
médiums artistiques marqués par la temporalité et le mouvement, elle saisit le
caractère dispersé et fragmenté de « paysages-mouvements » avec
lesquels entrent en résonnance les mouvements des danseurs.
Paysages en devenir
Sous
la direction de Fabienne Costa et Danièle Méaux (contributions de Laurent
Buffet, Laurence Corbel, Fabienne Costa, Philippe Fauvel, Thierry Girard,
Benoît Grimbert, Christine Jérusalem, Pauline Jurado Barroso, Danièle Méaux,
Philippe Nys, Emmanuel Pernoud, Jean-François Py, Grégoire Quenault, Bernard
Rémy, Hélène Saule Sorbé, Stéphanie Smaalben, Paul Vancassel, Caroline Zéau)
Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012.