Cette recension, légèrement modifiée, est parue dans le n°40 (automne 2012) de la revue Critique d'art (www.archivesdelacritiquedart.org).
Dans
sa première monographie consacrée à Oldenburg et van Bruggen (Le grotesque
contre le sacré, Gallimard, 2009),
Eric Valentin s’intéressait à leurs premiers projets de monuments, de Lipstick
(Ascending) on Caterpillar Tracks
(1969) aux réalisations des années 1970. S’inscrivant en droite ligne du
précédent, auquel il emprunte la boîte à outils analytique et conceptuelle
(sources rabelaisiennes, puissance du grotesque et figures carnavalesques), ce
nouveau volume met l’accent, à travers une suite d’essais, sur la charge
critique portée à l’encontre de l’architecture en tant que représentation symbolique
par la sculpture publique monumentale d’Oldenburg – van Bruggen à partir du
début des années 1980.
Le
premier essai, "L'Éclipse des lumières de Las Vegas", est certainement le plus abouti. Examinant Flashlight, installée en 1981 sur le campus universitaire de
Las Vegas, Eric Valentin analyse la pertinence de la réponse d’Oldenburg dans le contexte
de la ville du jeu et sa charge critique à l’encontre du postmodernisme défendu
par l’architecte Robert Venturi dans L’Enseignement de Las Vegas. Les quatre essais suivants multiplient les angles
d’approche : critique du symbolisme des édifices chrétiens et des
constructions de Gaudí, de la conception du gratte-ciel selon Rem Koolhaas, ou,
plus surprenant, proximité avec les sculptures paysagères de Henry Moore. À
plusieurs reprises, E. Valentin revient sur la collaboration harmonieuse
du duo Oldenburg – van Bruggen avec l’architecte Franck Gehry. Ainsi la relation
critique de Soft Shuttlecocks avec la spirale et la verrière du Guggenheim Museum
construit par Frank Lloyd Wright, où elle est installée en 1995, sert de contrepoint à
l’accord parfait entre cette même œuvre et l’atrium du musée construit par
Gehry à Bilbao. La méthodologie adoptée révèle alors une géométrie
variable : voulant à toute fin trouver les points de convergence entre
Oldenburg et Gehry, E. Valentin oublie que la véritable autorité est, à New York
comme au Pays Basque, moins celle de l’architecture que celle de l’institution
muséale et du mécénat de Guggenheim. Mû par l’admiration qu’il éprouve envers
l’œuvre d’Oldenburg et van Bruggen, E. Valentin endosse ainsi trop souvent le point
de vue et le discours des artistes, au détriment d’une prise de distance
critique.
Ce recueil demeure néanmoins une contribution appréciable à la compréhension de l'œuvre monumental de Claes Oldenburg et Coosje van Bruggen. On regrettera que ce projet ne donne pas lieu à une synthèse plus ambitieuse, que le premier ouvrage d'Eric Valentin permettait d'espérer.
Éric Valentin, Claes Oldenburg et Coosje van Bruggen. La sculpture comme subversion de l’architecture (1981-1997)
Collection « Inflexion », Les Presses du Réel, Dijon, 2012.
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