Cette recension est parue dans le n°40 (automne 2012) de la revue Critique d'art (www.archivesdelacritiquedart.org).
Publication
des actes du colloque à la Saline Royale d’Arc-et-Senans en mars 2010 (qui fait
lui-même suite au colloque L’Art est l’entreprise, organisé par Art&Flux en
2006), cet ouvrage conséquent se distingue tant par le nombre et la qualité de
ses contributeurs (parmi lesquels se croisent historiens de l’art, philosophes,
artistes) que par les enjeux esthétiques qu’il se donne pour ambition d’exposer
et d’explorer. Plusieurs textes structurant (Yann Toma : « La Notion
de critique artiste comme moteur d’un nouveau contexte de la création »,
Laurent Devèze : « Du Rêve prolétaire à l’ambition
entrepreneuriale ? », Rose Marie Barrientos : « Les
Entreprises artistes en perspective ») définissent la terminologie, le
cadre historique et conceptuel et élaborent une proposition de typologie des
« entreprises artistes ». Essentielle, la contribution de L. Devèze
analyse le changement de paradigme survenu dans le choix d’une figure
d’identification de l’artiste : du travailleur prolétarien et révolutionnaire
pour l’artiste d’avant-garde au début du XXe siècle, à l’entrepreneur -manager libéral à partir des années
1960-70, dans un contexte de marchandisation croissante de l’art. Les exemples
présentés, ainsi que les témoignages et contributions d’artistes (Renaud Layrac :
« BP/Un emblème comme attitude », Raphaëlle Bidault-Waddington
« Témoignage : Stratégie d’une "self-made artist" »,
Benjamin Sabatier (« Be it yourself ! », etc.), abordent
différents types d’entreprises artistes et leurs modalités de fonctionnement :
de l’entreprise « réelle » comme That’s Painting Productions de
Bernard Brunon à la dimension fictionnelle de Ouest-Lumière (Y. Toma) ou de
Société Réaliste. Quelle que soit leur nature, les entreprises artistes
s’inscrivent dans le champ du « réel » et de son économie. Elles sont
la « réalisation en actes et en œuvres d’une pensée critique » où le
risque pour l’artiste est de devenir un simple auxiliaire du système
capitaliste qu’il dénonce. « À partir de quand ce que je prétends dénoncer
m’annexe tout à fait ? » est en effet la question en filigrane de
plusieurs contributions d'artistes « entrepreneurs » bien conscients de
jouer un jeu dangereux avec « la bête ».
La brève
conclusion relève la nécessité d’approfondir l’étude de la dimension politique
de l’entreprise artiste. En attendant cette suite bienvenue des travaux d’Art&Flux,
les propos ici réunis (enrichis d’une bibliographie fournie, ainsi que d’une
affiche récapitulant l’inventaire des entreprises artistes depuis le
« prototype » de N.E. Things Co créée par Iain Baxter en 1964) constituent
une publication indispensable pour penser les enjeux actuels des entreprises artistes.
Artistes et entreprises
Sous
la direction de Yann Tomas, Stéphanie Jamet-Chavigny, Laurent Devèze, revue D’Ailleurs, n°3, co-édition ERBA (Besançon) / Art & Flux
(CERAP-Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, 2012 (Français, Anglais, 212 pages,
illustrations en couleurs, affiche pliée insérée)
Contributions
de : Yann Toma, Laurent Devèze, Stéphanie Jamet-Chavigny, Rose Marie
Barrientos, Raphaël Cuir, Marc Partouche, Maria Bonnafous-Boucher, Aurélie
Herbet, Renaud Layrac, Stefan Haefliger, Katrin Kolo, Rapahëlle
Bidault-Waddington, Antoine Lefebvre, Michel Verjux, Jacinto Lageira, Philippe
Mairesse, Pascal Bausse, Benjamin Sabatier, Dida Zende.
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